1. Si tu le souhaites, tu peux me faire une petite présentation de toi.
Je m’appelle Laure, j’ai 35 ans.
Je suis maman d’une petite fille qui s’appelle Lilly et je suis mariée depuis 5 ans. Nous habitons à Clichy et je suis psychologue.
2. Quel était ton rapport avec l'allaitement avant de devenir mère ?
Avant de devenir mère j’étais persuadée de ne jamais allaiter, je trouvais ça super bizarre. J’ai commencé à me poser la question enceinte, mais je n’étais toujours pas très motivée, finalement voyant ce ventre prendre de plus en plus de place, ma conclusion a été “je déciderai le jour où je la rencontrerai”.
Comment s'est déroulé ton accouchement en quelques mots?
Ma fille est née pendant l’été 2020, j’ai donc vécu la fin de ma grossesse en confinement.
Je devais accouché de Lilly par césarienne programmée car elle était positionnée en siège et malgré de nombreuses tentatives, nous n’avons pas réussi à la retourner mais cela s’est transformé en une césarienne d’urgence car j’ai perdu les eaux quelques jours avant.
3. Comment s'est déroulé le début de ton allaitement ?
Le début de mon allaitement a été très compliqué, cela n’a pas été naturel et instinctif du tout. Lilly n’arrivait pas à prendre le sein correctement et la maternité dans laquelle j’ai accouché ne m’a pas aidée pour les mises au sein, j’ai eu le sentiment qu’il n’y connaissait absolument rien en allaitement.
J’ai vécu le début de mon allaitement comme un calvaire.
Lilly dormait beaucoup et on m’obligeait à la réveiller pour la nourrir. Chaque tétée était atrocement douloureuse, et lorsque je demandais pourquoi cela me faisait si mal on me répondait “c’est ça l’allaitement Madame”.
Je n’étais que douleurs.
Je n’avais pas l’impression de nourrir Lilly.
J’étais très stressée, je ne m’étais pas du tout informée sur l’allaitement en amont et je ne savais pas que les débuts pourraient être si périlleux.
Très rapidement, la maternité m’a conseillé d’acheter des bouts de sein pour me soulager et les équipes sur place ont suspecté des œdèmes sur mes seins et m’ont demandé de tirer mon lait pour les soulager.
En réalité cela n’était rien d’autre que la montée de lait que toutes les femmes ont à ce stade de l’allaitement… A cause de cela, j’ai eu une sur-stimulation en pleine montée de lait et celle-ci a été terriblement douloureuse.
Une seule infirmière dans la maternité était très bienveillante et m’a massé les seins pour m’aider à soulager cela.
En cumul, les douleurs de la césarienne ne me permettaient pas de prendre les positions que je voulais pour me sentir bien et comme nous étions en pleine pandémie de Covid 19, je n’avais le droit à aucune visite à la maternité, pas même le papa.
La conseillère en lactation de la maternité était en vacances car j’ai accouché en plein mois de juillet et elle n’était pas remplacée. Des infirmières ont suspecté un problème de position du menton de Lilly et m’ont conseillé d’aller chez l’ostéopathe à la sortie.
J’ai subi beaucoup de remarques désagréables de la part du corps médical, tout le monde en avait pour son petit commentaire et je ne ressentais pas de la bienveillance.
Je me suis sentie absente de mon corps et j’avais beaucoup de mal à me remettre de ma césarienne.
Lilly est née à 3,2 kilogrammes. Je recevais beaucoup de pression sur son poids qui diminuait. Une infirmière insistait pour que je la mette au sein tout le temps pour lutter contre cette perte de poids. J’avais mal. Ils lui ont finalement donné un biberon de lait de vache pendant la deuxième nuit car ils disaient qu’elle devait absolument manger quelque chose…
Je finissais par regarder des séries en allaitant pour essayer de penser à autre chose et d’éviter un réel pétage de plombs de douleurs.
Une amie m’a alors conseillé de mettre des feuilles de chou dans mon soutien-gorge pour soulager au mieux la montée de lait, cela est un remède connu et peut sembler relativement simple à mettre en œuvre.
Mais bon courage pour trouver des feuilles de chou en plein mois de juillet et les introduire à l’ hôpital quand les visites sont interdites !
Une fois sortie de la maternité, je suis allée voir une conseillère en lactation qui m’a parlé de frein de lange, de chiropractie… puis ça a été l’enchainement des canaux bouchés ce qui m’a valu quelques aller-retours aux urgences.
Ces canaux bouchés à répétition m’ont contraint à tirer mon lait régulièrement. La conclusion était que Lilly ne tétait pas bien et qu’il fallait régulièrement aider les seins à se désengorger. J’ai utilisé un tire-lait double pompage pendant des nuits entières pour les soulager mais cela était devenu un cercle vicieux je le savais, plus on stimule, plus on produit…
En plein mois d’août j’ai terminé à Necker au centre de lactation pour une mastite. Après des jours de massage de sein, cela a fini par se déboucher.
Je ne me suis pas du tout sentie aidée, je ressentais comme des coups de poignard dans les seins.
Tout cette aventure a duré quatre mois, puis un jour elle a grandit, du jour au lendemain j’ai arrêté d’avoir mal.
Au bout de 6 mois j’ai commencé à n’allaiter Lilly que d’un sein car j’avais encore trop de complication de canaux bouchés à répétition sur l’un des deux seins. Je continuais à tirer mon lait sur les deux, mais je ne lui en donnais qu’un seul directement.
A ce stade, vous vous demandez sans doute “mais pourquoi s’acharner ?”
Et bien Lilly ayant très vite était sujette aux RGO (reflux gastro-œsophagien), nous nous sommes posés la question des allergies, et cela s’est avérée être la raison.
N’arrivant pas à solutionner ce RGO, à la fin de l’été j’ai de moi-même essayé d’arrêter les protéines de lait de vache pour voir si cela avait un impact sur ses reflux et immédiatement Lilly s’est transformée.
Cela m’a donc confirmé que je devais continuer cet allaitement car Lilly était bel et bien allergique aux protéines de lait de vache. Nous avions essayé d’introduire des laits d’allergies, mais les réactions étaient terribles. On s’est donc résignés, j’ai allaité Lilly pendant plus d’un an le temps de pouvoir réintroduire le lait de vache au fur et à mesure. Et puis finalement à ce stade les douleurs des premiers mois étaient parties et j’avais maintenant envie de profiter.
J’ai adoré mon allaitement à partir de ce quatrième mois, cela est devenu un vrai plaisir mis à part les contraintes alimentaires que j’avais. J’ai réussi à allaiter ma fille pendant 13 mois au total.
4. Quels sont pour toi les inconvénients de l'allaitement maternel ?
Hormis les douleurs des canaux bouchés qui m’ont suivi jusqu’au bout de mes treize mois d’allaitement, j’ai trouvé que les deux vrais inconvénients étaient de devoir tirer son lait à la reprise du travail (même si je suis à mon compte et avais la possibilité de le faire dans mon cabinet) et le régime alimentaire stricte à cause des allergies de Lilly.
Et les avantages ?
Selon moi, le plus gros avantage c’est que mon bébé n’a pas été malade pendant toute sa première année. Hormis le fait que ce soit un bébé RGO (reflux gastro-œsophagien), elle a eu un rhume en un an, c’est tout !
J’ai aussi adoré ces instants câlins, que j’ai connu jours et nuits car c’est un bébé qui ne dormait pas bien.
5. As-tu souvent eu envie de renoncer ?
Mille fois !
Et as-tu déjà reçu des remarques qui ont pu te marquer de la part de ton entourage ou d'inconnus au sujet de ton allaitement ?
Oui, j’ai eu beaucoup de remarques de la part du corps médical à la maternité. J’ai d’ailleurs été extrêmement choquée par cela.
Par exemple, combien de fois des professionnels de la santé m’ont affirmé que les aliments que je mangeais ne passaient pas dans le lait et que je n’avais pas à adapter mon régime alimentaire à ses allergies…
Mon entourage au contraire a été très bienveillant. Mais l’ironie c’est quand même qu’après m’avoir mis la pression pour que j’allaite lorsque j’étais enceinte car c’était si important pour mon bébé, au bout de 6 mois d’allaitement ils se sont mis à me demander quand est-ce que j’allais arrêter. #jamaiscontent
Je pense qu’ils n’étaient pas à l’aise avec l’allaitement d’un bambin.
De manière générale, j’ai trouvé flippant la méconnaissance des professionnels de santé au sujet de l’allaitement. Les pédiatres sont formés sur les bébés mais pas sur l’allaitement, ou en tout cas pas ceux que j’ai fréquenté.
6. As-tu déjà renoncer d'allaiter ton bébé par peur de gêner ?
Non jamais, après j’ai eu un allaitement compliqué donc j’ai très peu allaité en public.
Nous étions en plus pendant une année de Covid avec beaucoup de couvre-feu, lieux publics fermés… Et puis j’ai beaucoup de caractère donc il ne valait mieux pas que je subisse des remarques à ce sujet sinon la personne s’en rappellerait encore. 🙂
7. Comment et quand as-tu pris la décision d'arrêter ? Cela était-il choisi ou contraint ?
On a réussi à introduire le lait de vache au début de ses un an. Cela ne m’a pas poussé à arrêter brusquement l’allaitement , mais comme Lilly n’était pas une grande téteuse, elle a arrêté d’elle-même.
Au moment où nous avons introduit le lait de vache j’ai aussi arrêté de tirer mon lait au quotidien donc la production a fortement diminué et l’arrêt a été assez naturel. Je ne vous cache pas que j’étais triste mais cela n’a pas été subi pour elle et c’était ce qui comptait pour moi.
J’ai eu un sevrage très facile.
Et que dirais-tu à une maman qui aimerait essayer l'allaitement mais qui l'appréhende?
Je lui dirais de se renseigner (pas comme moi), et de s’entourer de copines qui connaissent le sujet et avec qui elles pourront échanger sans filtres.
Il ne faut pas se laisser impressionner par des remarques que l’on peut entendre à la maternité ou autre.
Finalement avec toutes les embûches que j’ai eu sur mon aventure d’allaitement, j’ai le sentiment d’avoir trouvé moi-même les réponses à mes problèmes grâce à mon réseau personnel et mon instinct.
Il faut être décomplexée sur le sujet.
Je conseille aussi de voir si besoin une conseillère en lactation mais qui ne serait pas trop puriste…
8. As-tu déjà tiré ton lait ? Si oui, quel est ton vécu ?
Oui j’ai tiré mon lait dès le début.
J’ai trouvé le geste et la logistique qui s’en suivent très pénibles, mais je n’ai pas eu de problème réel avec le tire-lait.
9. Si tu devais recommencer une aventure d'allaitement, est-ce que tu changerais quelque chose ?
Non, je pense que si j’avais un jour un deuxième enfant (ce qui est très peu probable) je recommencerais l’allaitement.
Avec cette première expérience je sais que cela sera différent car je partirais mieux armée.
Si un jour je me remets à allaiter un enfant et que ca se passe bien, je n’arriverai pas à arrêter.
10. Dans le kamasutra de l'allaitement, quelle est ta position favorite ?
Je n’ai pas testé beaucoup de positions mais Lilly a toujours allaité en grenouille*.
* Cette position est la position la plus naturelle (position biological nurturing). Cette position est particulièrement indiquée si votre bébé souffre de reflux gastro-œsophagien (RGO).
Une petite conclusion
Avec tout ce parcours, j’ai trouvé ça génial d’allaiter et je le referai si je pouvais.
Je trouve que cela nous offre une complicité incroyable avec notre bébé.
Je trouve ca fascinant de savoir que son lait se modifie selon l’âge du bébé.
Je trouve ca fascinant que le corps d’une femme soit capable d’extraire son lait et d’offrir ses propres biberons à son enfant sans être avec lui. (ma nounou a d’ailleurs été un super soutient).
Mon seul regret est de ne jamais avoir allaiter mon bébé dans le bain.